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TAKEN FOR GRANTED

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TAKEN FOR GRANTED est une recherche sur la performativité de genre, sur les stéréotypes, sur les fictions et les contrats sociaux qu’on doit sans cesse construire et déconstruire.

 

Il s’ agit d ‘une écriture collective: les artistes travaillent ensemble sur tous les éléments de la mise en scène (texte, chorégraphie, visuels, dramaturgie, lumières), dans une aventure politique de partage qui cherche de déplacer constamment le point de vue sur ce que nous croyons savoir. Ce que nous prenons pour acquis (le taken for granted) est une confiance, un contrat social et scénique qu’il faut sans cesse construire et déconstruire et dont nous sommes tous ensemble responsables. La pièce est inspirée par l’histoire d’Agnès - contée par l’etnométhodologue Harold Garfinkel - une jeune américaine qui en 1959 réussit à obtenir une opération pour transformer ses parties génitales et ainsi accéder à la reconnaissance officielle en tant que femme. Agnès parvient à le faire sans avoir à passer par les protocoles juridiques et psychiatriques de la transsexualité, adoptant une fiction somatique grâce à l’invention, la performativité et la prise d’hormones, dont laquelle, même les médecins qui l’analysent, ne peuvent pas se rendre compte. Agnès arrive ainsi à bousculer la relation féminité/drag queen, original/copie, naturel/artificiel, substance/forme.

DISTRIBUTION

 

création et interprétation: Paola Stella Minni, Ondina Quadri, Konstantinos Rizos 

lumière: Marie Sol Kim

regard: Alexia Badaluca

production: ass.Tenuta dello Scompiglio

DATES:

2021 Pacifique CDCN Grenoble

9 > 20 Juillet 2018 , La Scierie Festival Avignon OFF

3-4 Juin 2017, Tenuta dello Scompiglio Lucca

 

PRESS

Ce n’est vraiment pas un terme galvaudé en ce qui concerne Paola Stella Minni, Konstantinos Rizos et Ondina Quadri. Il recouvre au moins deux acceptions : théâtrale et féministe. Le trio puise ses forces du côté d’un courant issu de Judith Butler, qui souligne dans Gender Trouble (1990) la « performativité » des identités sexuelles, ou de Paul B. Preciado (anciennement Beatriz Preciado), qui signe un Manifeste contra-sexuel (2000) où sont prônés anus et gode au lieu de pénis et vagin pour mieux déjouer les réflexes hétéronormés, où est démonté le contrat tacite qui sous-tend genres et sexualités, et qui relate dans Testo Junkie(2008) les effets de l’administration régulière de testostérone en gel sur son propre corps, prenant acte de l’ère « pharmacopornographique » du capitalisme tardif.

Les plugs anaux, analogues à la sculpture gonflable Tree que Paul McCarthy avait dressée sur la place Vendôme, retirée après agression de l’artiste et vandalisme en 2014, servent ici de prises et d’implants à partir desquels refaire un monde où les identités de genre ne soient plus « taken for granted », allant de soi, mais de part en part sociales, contractuelles, artificielles, technologiques. Le geste décapant du trio sur scène tient de la robinsonnade, ne pose une île déserte que pour concevoir un type alternatif de société. Mais cette robinsonnade se situe hors du mythe d’un retour à la nature puisque le naturel n’est que du social non explicité. Dans le terreau, un vrai monticule de terreau versé sur le plateau, sont donc plantés des plugs anaux, modèles réduits du gros sapin de McCarthy.

Côté théâtral, la performance compose un alliage détonant entre d’un côté Philippe Quesne (La Nuit des taupes), via musique live style garage rock et costumes d’animaux où le corps est lové, jusqu’à produire une sensation d’inquiétante étrangeté, où les matières textiles accumulées, empilées sur la tête ou le reste du corps, acquièrent quelque chose d’organique, de viscéral, de fœtal, tissus à la fois textiles et biologiques, dans une indétermination troublante entre nature et artifice, de l’autre Bruno Meyssat (15%), par le détournement d’appareils comme une tronçonneuse ou un souffleur à feuilles, tout en se gardant néanmoins d’agresser frontalement le public, et l’utilisation parcimonieuse de la parole au profit d’actions, de maniement d’objets, de processus muets au sens non prémâché.

Car telle est la force de cette performance : Paola Stella Minni, Konstantinos Rizos et Ondina Quadri ne jouent pas pour nous mais devant nous. Que le public soit là ou pas, et c’était à 22h15 le soir même de la finale, on pouvait être persuadé que le spectacle aurait lieu, qu’il était raccordé à une nécessité interne. Et que l’adresse au public ne soit pas « taken for granted » justement, la bande n’hésitant pas à jouer de dos là même où une intensité facile aurait pu être produite en pleine face, lui redonnait paradoxalement toute sa puissance de convocation, jusqu’à réussir même la prouesse de reléguer le joyeux bordel alentour, ou plutôt de résonner avec lui, de se mettre sur la même longueur d’onde que le dehors, à la Scierie, zone poreuse entre intra et extra muros, in et off du Festival (son directeur y a programmé Pur Présent et Antigone). Sans doute le « trans- », une des thématiques du in cette année, a trouvé là une poche de résistance contre les récupérations culturelles et cultuelles en tous genres.

17 juillet 2018

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